Daito Manabe & Motoi Ishibashi, “Particules”, 2011, courtesy YCAM, source Ryuichi Maruo.
C’est en 2008, que Daito Manabe se fait connaître par le grand public, à l’international, en déposant une vidéo de test sur YouTube. On l’y découvre aussi concentré que “connecté”, prenant sa respiration avant de lancer la musique qui contrôle les muscles de son visage. Car les sons électroniques stridents composant cette musique sont synchronisés avec le courant qui active ses muscles faciaux via des électrodes. Depuis, il ne cesse de parcourir le monde avec la performance Face Visualizer qu’il donne généralement accompagné. Ce qui lui permet notamment de contrôler les émotions faciales de ses partenaires en pratiquant le copier/coller de ses propres réactions aux partitions électriques d’une musique électronique.
Daito Manabe aime les collaborations autant qu’il s’intéresse aux visages et c’est avec l’artiste programmeur Zachary Lieberman qu’il a conçu une autre performance dont témoigne une autre séquence vidéo. Intitulée Face Projection, elle s’articule aussi autour de l’idée d’interaction avec un visage en temps réel. Il s’agit tout d’abord de redessiner les contours de la figure du “cobaye” se prêtant à l’expérience. L’artiste, une fois que la face du sujet a été détourée dans l’image vidéo projetée qui augmente sa figure, y dépose des points de lumière. Ces mêmes particules, étant soumises aux lois de la physique virtuellement reconstituées, s’écoulent et rebondissent aléatoirement pour s’entasser en formant un portrait que l’on pourrait qualifier de pointilliste.
Il arrive que Daito Manabe répète ses collaborations avec un même artiste ou programmeur comme c’est le cas avec Motoi Ishibashi. Ils collaborent ensemble au sein de diverses entités associant l’art et le design à la recherche et l’innovation, une véritable “tendance” au Japon. Avec Points, il est encore question de particules, bien réelles cette fois-ci. Les images des sujets capturés sont converties en autant de séquences de tir à la carabine. Numériquement contrôlée, la carabine à air comprimé dresse ainsi des portraits en perforant des cadres de papier à l’aide de particules, ou billes de plastique. Mais plutôt que de suivre le contour du portrait à rendre, la carabine robotisée semble tisser un maillage entre points opposés. Le tissage qu’elle a en mémoire est d’ailleurs aussi intéressant que le résultat, si ce n’est plus. Ce qui est le cas chez ceux qui savent penser les images que jamais ils ne parviendront à fixer.
Les particules sont également à l’honneur dans l’installation avec laquelle Daito et Motoi ont récemment été distingués par les festivals Japan Media Art et Ars Electronica. Intitulée Particules, elle constitue un véritable hommage à l’art cinétique, à l’ère du numérique. Dans l’obscurité, il y a des particules de lumière qui semblent littéralement flotter dans l’espace en dessinant des courbes. Ce sont, en réalité, des balles équipées de diodes électroluminescentes guidées par des rails durant leur descente. Une sorte de grand huit aux multiples spirales pour sphères de lumière contrôlées numériquement. Car il est des passages obligés, des portes qui permettent à la machine de contrôler leurs mouvements comme de calculer leurs positions. Quant au public, c’est au travers d’une interface qu’il peut opter pour différents motifs. Cette performance donnée par des sphères semi contrôlées, puisque soumises aux lois de la pesanteur comme aux excitations des spectateurs, offre le spectacle d’un flux incessant de particules. Il est des tableaux plus chaotiques, aux rythmes accélérés des clignotements. Des moments de grâce où l’on croit voir des verres luminescents en migration sur des chemins invisibles. Sans omettre les sons ou musiques qui accentuent les effets générés par ces systèmes de particules exprimant tant le mouvement des atomes que les courbures des trajectoires d’objets soumis, dans l’espace, aux croissances et décroissances des forces d’attraction planétaires.