Céleste Boursier-Mougenot, From Here to Ear, 2011, crédit Agostino Osio, courtesy galerie Xippas.
Mao Zetong, à la fin des années cinquante, demanda aux paysans d’effrayer les oiseaux qui mangeaient leurs récoltes en faisant du bruit. Alors le peuple s’exécuta jusqu’à ce que les volatiles, épuisés, tombent du ciel. Les oiseaux de Céleste, à l’inverse, ne semblent guère affectés par les sons qu’ils génèrent en se posant sur des guitares électriques amplifiées, en guise de perchoirs. Est-ce parce qu’ils suivent aveuglément le conseil de John Cage dont on commémore actuellement le centenaire : « Si un son vous dérange, écoutez-le » ? Force est de reconnaître que les Gibson Les Paul et autres Fender Mustang ont été parfaitement accordées par Céleste Boursier-Mougenot. Son installation s’intitule “From Here to Ear” car c’est d’ici que l’on entend, du Centquatre où se tient l’exposition collective “Par Nature”. Les soixante-quinze mandarins diamant d’Australie qui sont réputés pour leur curiosité envers les humains ont pris possession de l’atelier que l’on traverse. Nous participons donc, par notre présence, de la musique des sons que Jimmy Page ou Eric Clapton connaissent parfaitement. Mais il n’est plus question ici de partitions, ni même d’improvisation, quand le principe d’indétermination cher à Cage constitue la seule règle. Céleste, à bien y regarder, s’est contenté de créer une situation en soignant les moindres détails. Pour enfin devenir le premier spectateur. Et c’est aux oiseaux que nous nous adressons, dans nos déplacements, comme le fit Saint François si l’on en croit Giotto di Bondone. Dans un espace où la puissance des sons semble participer de la sérénité des instrumentistes réunis. Quand tous, cette expérience esthétique dont on sort différent nous transporte.