Joan Fontcuberta, Orogenesis Derain, 2004.
Il y a, actuellement à la MEP, des photographies de paysages qui n’en sont pas tout à fait mais que l’on interprète pourtant comme tel. Et c’est paradoxalement durant une résidence d’artiste au Banff Center, localisé dans les montagnes rocheuses canadiennes dont on sait la beauté brute, que Joan Fontcuberta a découvert le potentiel artistique d’applications logicielles dédiées à la génération de paysages artificiels. Mais ce sont les titres de ces points de vue sans histoire qui font œuvre. “Orogenèse Derain” (2004), par exemple, nous dit tout de la genèse de ces montagnes (oros signifiant montagne en Grec) puisque c’est un tableau du peintre français Derain qui en est l’origine. Joan Fontcuberta a en effet “converti” des peintures ou photographies d’artistes au lieu d’utiliser les représentations cartographiques de données géologiques comme c’est l’usage avec de telles applications. Des plans des œuvres ont ainsi émergé les reliefs des images. Il n’y a donc ni paysage ni photographe dans les correspondances que l’artiste nous présente à la Maison Européenne de la Photographie et c’est l’usage détourné de technologies numériques aujourd’hui accessibles à tous qui fait œuvre. L’aspect quelque peu esthétisant de ce que tout un chacun pourrait lire comme des clichés de cartes postales flattant le regard dans les représentations de quelques paysages aux lignes accidentées n’est qu’un leurre. La vérité artistique, quant toute image n’étant finalement constituée que de zéro et de un équivaut selon l’algorithme utilisé à toute autre, nous est donnée par le cartel, tout comme la valeur de l’œuvre, en art conceptuel, est attribuée par le contrat qui lie l’artiste au collectionneur.