Constant Dullaart, New Brave Panderers (détail) 2014, courtesy XPO Gallery.
Constant Dullaart est un artiste que les usages du numérique fascinent, sans pour autant qu’il en soit la victime. Il leur donne corps, en cette ère post digitale, sans toutefois omettre la critique en pratiquant une esthétique de la boucle. Ainsi, il le fait déjà en 2009 avec “Youtube as a Sculpture” quand, dans une black box, il installe les huit sphères de polystyrène qui émulent l’animation nous signalant le chargement des médias sous YouTube au travers de la lumière qu’elles réfléchissent alternativement. Un spectateur, filmant l’action de cette interminable attente, a eu l’idée de la réintroduire sur les serveurs de YouTuble. Pour qu’enfin un autre se filme, hypnotisé par cette boucle qui d’ordinaire nous insupporte. En véritable observateur des mondes numériques, l’artiste berlinois s’intéresse à ces presque rien dont il fait œuvre. De Shenzhen, il a récemment rapporté des clichés qui s’illuminent alternativement au rythme de l’œuvre d’url intitulée “The Sleeping Internet” (2011). Or ce rythme, c’est celui de la respiration des ordinateurs portables de la marque Apple lorsqu’ils sont en veille. L’idée d’un illustre inconnu, même parmi les ingénieurs, mais que l’artiste immortalise pourtant avec un buste posé sur son socle comme il se doit en sculpture. Quant à l’œuvre qui respire à l’adresse internet thesleepinginternet.com, elle symbolise par l’hybridation les empreintes sur nos vies de deux des principales entreprises d’une informatique mondialisée. Car c’est bien la page de Google qui s’affiche pour disparaître au rythme de la veilleuse d’Apple. Quand la machine, sans rien perdre de sa capacité de calcul, devient parfaitement inutile comme doit l’être et le rester toute œuvre d’art. Constant Dullaart, en enquêtant comme le fait un historien d’art, a aussi retrouvé la première image qui ait été “photoshopée” en masse parce que distribuée avec la première version du logiciel de retouche d’image qui fait aujourd’hui des humains autant de clones d’eux-mêmes. Mais quand l’artiste de la XPO Gallery retouche une photographie, il le fait dans la couche de verre spécialement traité qui la protège en la dénaturant. Or doit-elle, parce que derrière elle est “intacte”, être considérée tel un original quand les spectateurs de la galerie ne la voient qu’au travers de l’effet qui la protège ? Plus inutile encore que les veilleuses de nos portables, les œuvres de Constant Dullaart questionnent pourtant notre rapport au monde que le numérique façonne à grand renfort de marketing.