Daito Manabe & Motoi Ishibashi, Rate-Shadow, 2016.
Daito Manabe et Motoi Ishibashi sont des artistes-ingénieurs contemporains qui s’affranchissent de toutes les catégories au travers de l’usage du code et de l’électronique. Et l’on mesure, à l’entrée de l’exposition “Paysages Fertiles” que la Maison de la Culture du Japon à Paris leur consacre actuellement, l’étendue de la diversité des domaines qu’ils investissent ensemble en passant de l’art à l’innovation, entre installations et performances. Au-delà de la première salle qui documente leurs travaux par la vidéo, « c’est de l’invisible dont il est question » selon la curatrice tokyoïte Aomi Okabe. D’une forme d’art qui révèle d’autres possibles réalités, et ce, qu’elles soient augmentées, diminuées ou altérées. Avec “Rate-Shadow”, c’est une théière qu’un socle convertit en sculpture. Mais ses facettes polygonales, à bien y regarder, trahissent le processus de prototypage dont elle est issue, c’est-à-dire qu’un modèle tridimensionnel a précédé l’objet comme c’est généralement le cas dans l’industrie. Bien que l’objet, ici, soit une pièce unique. Quant au modèle, il nous renvoie à la théière que l’informaticien Martin Newell, investiguant d’autres possibles, immortalisa en 1975 avec une image que l’on qualifiait alors encore de “synthèse”. Mais revenons à l’exposition des deux artistes japonais où des médiatrices et médiateurs nous incitent à photographier une théière qu’un éclairage circulaire magnifie déjà. Car c’est en baissant la luminosité de nos appareils qu’une autre réalité s’offre à nos regards. Les images avec lesquelles nous repartons, en documentant le réel, nous renvoient aussi à toutes les images synthèse qui se situent très précisément entre l’objet et sa représentation. C’est-à-dire entre l’objet réel et son origine tridimensionnelle. Se faisant, les artistes nous incluent dans ce processus de l’entre deux.