Grégory Chatonsky, Perfect Skin II, 2015.
L’artiste Grégory Chatonsky, qui s’adonne aussi à la théorie, se sait prolixe au point d’avoir implémenté une recherche par mots-clés à la base de données de ses œuvres documentées en ligne. Les paysages ou landscapes y sont fréquemment traités quand ceux-ci sont aussi augmentés d’interrogations portant sur notre rapport à soi, à l’autre ou au monde allant jusqu’à en envisager sa disparition. C’est ainsi qu’avec Hisland en 2008 il reconsidère ce qui, toutes et tous, nous singularise aux frontières, à savoir : son empreinte digitale dont il fait paysage. L’étendue sans limite aucune et à la topologie fortement perturbée qui nous est donnée à explorer nous renvoie par sa blancheur extrême aux glaciers sur lesquels nous savons aujourd’hui mesurer notre empreinte en négatif. Cette idée qu’une image qu’elle quelle soit, usant d’une application dédiée au design de levels ou niveaux en jeu vidéo, peut faire paysage, l’artiste la généralise en se connectant au service d’Instagram pour en extraire, en 2015, les quelque dizaines de milliers d’images de Perfect Skin II. Le paysage est tout autre, quand un nez fait péninsule et qu’un autre devient cap. Quand de la perfection des images naît une forme de monstruosité par l’excès dont les émissions de télé-réalité ont le secret. Et l’on comprend, embarqué en ce traveling sans réel début ni fin, que Grégory Chatonsky crée des contextes dont émergent ses œuvres tout en acceptant sans agir ce que l’Internet mondial, à l’instant T de telles créations, lui propose. S’intéressant plus récemment au monde ou plutôt à ses représentations surfaciques avec Neural Landscape Network en 2016, il en perturbe les vues satellites en les proposant à une intelligence artificielle émancipée des filtres du contrôle ordinaire de la pensée. Les accidents qui apparaissent au sein de cet autre traveling sans fin que le suspens d’une étrange musique étire à l’infini sont en conséquence tout particulièrement indéterminés. Ce sont des rêves de paysages qui se situent entre le photographique et le pictural et la mémoire de la surface du monde se mêle à une expérience sans être. Enfin, du monde il envisage en compagnie de Dominique Sirois sa finitude en des sculptures des poussières qu’il a patiemment élevées avec Telofossils en 2013. Où l’on devine, du dessous, les restes d’une technologie qui nous caractérise si bien dans les usages que l’on en fait. Car après avoir confié notre mémoire collective à des entreprises, ce sont nos intelligences propres que nous déléguons aux machines durant que, dans le travail de Grégory Chatonsky, il est aussi question d’une douce nostalgie contemporaine.