Yucef Merhi. Maximum Security – Hugo Chavez’ Emails, Hacking on Paper, 1998-2004.
Le monde de l’art est en recherche constante de nouveaux modes de diffusion des œuvres et pratiques ou idées. Or, la Colonie compte parmi ces nouveaux lieux parisiens où l’on expérimente des modèles opératoires d’un autre genre. Elle a été initiée par l’artiste contemporain français Kader Attia dont on peut voir actuellement le travail oscillant entre l’intime et le monumental sans omettre le politique au Mac Val de Vitry-sur-Seine. Sur le site de la Colonie, il y est pudiquement question de “projets”, comme celui dédié aux “Regards sur la création contemporaine vénézuélienne”. Intitulé CARACAS RESET, cet événement des 15, 16 et 17 mai regroupe des conférences ou tables rondes qui s’articulent autour d’une exposition. L’occasion, aussi, de boire un verre en échangeant avec des artistes ou curateurs dont Rolando J. Carmona, à l’origine du projet. L’exposition, qui commence au rez-de-chaussée avec de la documentation, se poursuit à l’étage avec des œuvres ou installations comme celle de Yucef Merhi qui vit et travaille à Miami. Intitulée ”Maximum Security”, elle a déjà fait couler beaucoup d’encre. Elle s’articule autour d’une correspondance. Car cet artiste vénézuélien a piraté la boîte mail d’Hugo Chavez en 1998 alors que celui-ci allait se présenter à l’élection présidentielle au Venezuela. Sans se faire repérer, l’artiste a patiemment archivé les échanges de celui qui allait plonger le pays dans une crise sans précédent. Les emails du président Chavez, il les a collectés, lus et relus, imprimés par milliers pour en recouvrir les murs de ses installations. Comme le ferait celle ou celui qui, dans le secret de son obsession, se prépare à l’action. Et l’action se répète au fil de ses installations visant à rendre public les méthodes de celui dont on sait maintenant les relations avec d’autres dictatures du monde. Quant à l’état économique du Venezuela, dans l’attente impatiente d’une amélioration qui se fait attendre, c’est un autre artiste qui nous en fait part. Il se nomme Beto Gutierrez et sa vidéo “La Huntada” (2015) met en scène une file d’hommes ordinaires se passant un stick de déodorant après s’en être servi. Ici, on pense à un rituel comme le monde de l’art sait les acclamer. Mais à Caracas, nous dit-on actuellement à la Colonie, il est bien des produits qui se font rares au point qu’on les loue pour des usages furtifs. Quand le manque induit le partage de celles et ceux qui n’ont d’autres choix que d’attendre les jours meilleurs qu’on leur avait tant promis.