Reynald Drouhin, IP Monochrome (détail), 2006.
La place du spectateur, quant à l’œuvre, n’a cessé d’évoluer au fil des siècles. Et les technologies du numérique, récemment, ont accéléré le processus. Les pratiques se font de plus en plus collectives et les expériences résolument participatives. Les créations qu’Aram Bartholl documentés sur son site ont été réalisées durant des workshops, alors que le titre du dernier catalogue de Lawrence Malstaf est des plus explicite : « Exhibiting the visitor » ! Mais qu’en est-il de ces œuvres que l’on participerait à concevoir non intentionnellement. ”IP Monochrome”, de Reynald Drouhin, compte parmi celles-ci car se rendre à l’url incident.net/works/ipm revient à créer l’aplat de couleur qui correspond à son adresse IP, sans même s’en apercevoir. Et le dispositif est massivement collaboratif puisqu’il a, depuis 2006, accumulé plus d’un million six cent mille monochromes. Les pastilles colorées, qui témoignent d’autant d’expériences et sont assemblées en d’innombrables nuanciers se succédant, portent les adresses de leurs auteurs, ou de leurs machines. Nous collectionnons ainsi nos monochromes virtuels, à défaut de posséder des peintures d’Yves Klein. Et leur assemblage, en matrice, n’est pas sans évoquer un autre artiste de la couleur pure : Gerhard Richter. Toutefois, force est de reconnaître que ce sont nos machines, se connectant entre elles selon d’obscures protocoles, qui décident des teintes, saturations et luminosités de nos participations, sans même nous solliciter, car elles s’attribuent elles-mêmes les adresses témoignant de nos positions sur la toile, dans le virtuel.