Par Nature

Céleste Boursier-Mougenot, From Here to Ear, 2011, crédit Agostino Osio, courtesy galerie Xippas.

Mao Zetong, à la fin des années cinquante, demanda aux paysans d’effrayer les oiseaux qui mangeaient leurs récoltes en faisant du bruit. Alors le peuple s’exécuta jusqu’à ce que les volatiles, épuisés, tombent du ciel. Les oiseaux de Céleste, à l’inverse, ne semblent guère affectés par les sons qu’ils génèrent en se posant sur des guitares électriques amplifiées, en guise de perchoirs. Est-ce parce qu’ils suivent aveuglément le conseil de John Cage dont on commémore actuellement le centenaire : « Si un son vous dérange, écoutez-le » ? Force est de reconnaître que les Gibson Les Paul et autres Fender Mustang ont été parfaitement accordées par Céleste Boursier-Mougenot. Son installation s’intitule “From Here to Ear” car c’est d’ici que l’on entend, du Centquatre où se tient l’exposition collective “Par Nature”. Les soixante-quinze  mandarins diamant d’Australie qui sont réputés pour leur curiosité envers les humains ont pris possession de l’atelier que l’on traverse. Nous participons donc, par notre présence, de la musique des sons que Jimmy Page ou Eric Clapton connaissent parfaitement. Mais il n’est plus question ici de partitions, ni même d’improvisation, quand le principe d’indétermination cher à Cage constitue la seule règle. Céleste, à bien y regarder, s’est contenté de créer une situation en soignant les moindres détails. Pour enfin devenir le premier spectateur. Et c’est aux oiseaux que nous nous adressons, dans nos déplacements, comme le fit Saint François si l’on en croit Giotto di Bondone. Dans un espace où la puissance des sons semble participer de la sérénité des instrumentistes réunis. Quand tous, cette expérience esthétique dont on sort différent nous transporte.

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The Mystery Spot

Jeppe Hein, The big Mirror Ball, 2003, source Aurélien Mole.

Il est, de part le monde, bien des routes magiques où la nature se joue de nous. Des côtes que des objets roulants descendent et que l’on nomme par conséquent des Gravity Hills. L’exposition The Mystery Spot qui se tient à la Fondation d’Entreprise Ricard fait référence à ces lieux étranges où nous sommes les victimes d’illusions optiques. Marc Bembekoff y a assemblé quelques œuvres, comme The big Mirror Ball de Jeppe Hein, défiant elles aussi les lois de la physique. Cette sphère miroitante pourrait être considérée telle une œuvre minimale. Le monde s’y reflète parfaitement, quelque peu déformé par sa courbure. « Et pourtant elle tourne », aurait murmuré Galileo Galilei ! Car la boule métallique de l’artiste danois de déplace d’une manière apparemment tout à fait autonome. Ses mouvements sont chaotiques, échappant à tous les calculs, toutes les probabilités. Une médiatrice, pendant le vernissage, a la lourde tâche de la surveiller car elle pourrait bien s’échapper ! La boule est tout particulièrement irrévérencieuse quand elle bouscule celles et ceux qui ne lui portent pas assez d’attention. Tous les moyens sont bons pour accaparer l’attention. Allant jusqu’à se jeter contre les murs de la galerie. Les sons qu’elle génère en se déplaçant trahissent sa part robotique alors que son autonomie, sa façon d’être et d’aller librement nous interroge, nous fascine. On dit qu’elle cesse de rouler lorsque tout le monde est parti, bien que personne ne puisse en témoigner. Alors on l’imagine, immobile, sculpture minimale dans l’attente de l’activation qui la transformera à nouveau en œuvre cinétique.

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Des Particules au Stéréolux

Daito Manabe & Motoi Ishibashi, “Particules”, 2011, courtesy YCAM, source Ryuichi Maruo.

C’est en 2008, que Daito Manabe se fait connaître par le grand public, à l’international, en déposant une vidéo de test sur YouTube. On l’y découvre aussi concentré que “connecté”, prenant sa respiration avant de lancer la musique qui contrôle les muscles de son visage. Car les sons électroniques stridents composant cette musique sont synchronisés avec le courant qui active ses muscles faciaux via des électrodes. Depuis, il ne cesse de parcourir le monde avec la performance Face Visualizer qu’il donne généralement accompagné. Ce qui lui permet notamment de contrôler les émotions faciales de ses partenaires en pratiquant le copier/coller de ses propres réactions aux partitions électriques d’une musique électronique.

Daito Manabe aime les collaborations autant qu’il s’intéresse aux visages et c’est avec l’artiste programmeur Zachary Lieberman qu’il a conçu une autre performance dont témoigne une autre séquence vidéo. Intitulée Face Projection, elle s’articule aussi autour de l’idée d’interaction avec un visage en temps réel. Il s’agit tout d’abord de redessiner les contours de la figure du “cobaye” se prêtant à l’expérience. L’artiste, une fois que la face du sujet a été détourée dans l’image vidéo projetée qui augmente sa figure, y dépose des points de lumière. Ces mêmes particules, étant soumises aux lois de la physique virtuellement reconstituées, s’écoulent et rebondissent aléatoirement pour s’entasser en formant un portrait que l’on pourrait qualifier de pointilliste.

Il arrive que Daito Manabe répète ses collaborations avec un même artiste ou programmeur comme c’est le cas avec Motoi Ishibashi. Ils collaborent ensemble au sein de diverses entités associant l’art et le design à la recherche et l’innovation, une véritable “tendance” au Japon. Avec Points, il est encore question de particules, bien réelles cette fois-ci. Les images des sujets capturés sont converties en autant de séquences de tir à la carabine. Numériquement contrôlée, la carabine à air comprimé dresse ainsi des portraits en perforant des cadres de papier à l’aide de particules, ou billes de plastique. Mais plutôt que de suivre le contour du portrait à rendre, la carabine robotisée semble tisser un maillage entre points opposés. Le tissage qu’elle a en mémoire est d’ailleurs aussi intéressant que le résultat, si ce n’est plus. Ce qui est le cas chez ceux qui savent penser les images que jamais ils ne parviendront à fixer.

Les particules sont également à l’honneur dans l’installation avec laquelle Daito et Motoi ont récemment été distingués par les festivals Japan Media Art et Ars Electronica. Intitulée Particules, elle constitue un véritable hommage à l’art cinétique, à l’ère du numérique. Dans l’obscurité, il y a des particules de lumière qui semblent littéralement flotter dans l’espace en dessinant des courbes. Ce sont, en réalité, des balles équipées de diodes électroluminescentes guidées par des rails durant leur descente. Une sorte de grand huit aux multiples spirales pour sphères de lumière contrôlées numériquement. Car il est des passages obligés, des portes qui permettent à la machine de contrôler leurs mouvements comme de calculer leurs positions. Quant au public, c’est au travers d’une interface qu’il peut opter pour différents motifs. Cette performance donnée par des sphères semi contrôlées, puisque soumises aux lois de la pesanteur comme aux excitations des spectateurs, offre le spectacle d’un flux incessant de particules. Il est des tableaux plus chaotiques, aux rythmes accélérés des clignotements. Des moments de grâce où l’on croit voir des verres luminescents en migration sur des chemins invisibles. Sans omettre les sons ou musiques qui accentuent les effets générés par ces systèmes de particules exprimant tant le mouvement des atomes que les courbures des trajectoires d’objets soumis, dans l’espace, aux croissances et décroissances des forces d’attraction planétaires.

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La somme de nos regards expirés

Cécile Beau, “Sillage”, 2008, en collaboration avec Nicolas Montgermont.

Les séismes, depuis toujours, préoccupent les hommes qui en dressent méthodiquement les relevés dont les plus anciens datent du huitième millénaire av. J.-C. Lorsque la terre a tremblé le 12 mars 2008 au Chili à 15h12, les machines se sont activées pour mesurer, avant de les archiver, ces précieuses données cataclysmiques. Cela, sans savoir qu’un jour, quelqu’un les exploiterait à d’autres fins. Ainsi, dans l’exposition intitulée “Subfaciem” qui se tient actuellement dans le cadre des Modules du Palais de Tokyo, elles ré-émergent. C’est là, précisément, que Cécile beau, en collaboration avec Nicolas Montgermont, modélise le frémissement passé de la croûte terrestre chilienne. Les ondulations, à la surface de “Sillage”, témoignent durant 18 minutes de ce qui s’est passé ailleurs. « Ça a été » semble nous dire l’artiste, sans s’y être pour autant rendu, au travers d’une œuvre que l’on pourrait aisément qualifier de cinétique. Derrière cette pièce connectée au passé d’un ailleurs, il y a “Sablier”, un autre dispositif de Cécile Beau, mais en deux parties cette fois. L’une part du plafond, l’autre pousse depuis le sol. Faites de glace, elles ne peuvent que se rejoindre, mais quand ? Alors elle s’approche l’une de l’autre au rythme de nos regards expirés. Car ce sont bien les regardeurs qui font “Sablier” en expirant la vapeur d’eau que l’œuvre archive en des strates successives qui nous rassemblent tous. Avant qu’elle ne disparaisse, car la glace dont elle est constituée fondera inévitablement après l’exposition.

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Globale Position

Société Réaliste, Monotopia, 2012, source Florian Kleinefenn, courtesy Michel Rein.

C’est en 2004, que Ferenc Grof et Jean-Baptiste Naudy fondent ce qu’ils nomment la coopérative Société Réaliste. Depuis, ils n’ont de cesse de tisser une œuvre qui se ramifie selon les contextes allant de festivals dédiés aux cultures émergentes à des événements regroupant des pratiques alternatives. Sans omettre le Jeu de Paume qui les a récemment propulsés au devant de la scène de l’art contemporain. A la galerie Michel Rein, tout récemment, ils continuaient à augmenter la trame de leurs histoires dont la complexité est une des composantes essentielles. Mais il y avait pourtant deux pièces dans l’exposition “Monotopia” venant de se terminer qui se détachaient par leur évidente simplicité. Ferenc et Jean-Baptiste se sont tout d’abord intéressés à la police de caractère Utopia, sans doute pour son nom. Puis, ils ont rédigé la règle qui allait  transformer cette fonte en une autre : la Monotopia. « Une majuscule s’écrit de toutes les autres majuscules, une minuscule de toutes les autres minuscules, un chiffre de tous les autres chiffres. Comme une kabbale égalitaire, où n’importe quel signe énoncerait encore les autres. Ou une obligation à refuser la distinction entre l’ornement et la forme » déclarent-ils. Avec l’accumulation des chiffres sur huit caractères, ils obtiennent ainsi toutes les dates, de l’an zéro à l’an 9 999. Et sur l’emplacement de quatorze caractères, ce sont toutes les positions géographiques qui n’en font plus qu’une. Comme si tous les endroits du monde se résumaient en un seul. Mais où se trouve, en l’instant, cette œuvre synthétisant toutes les positions géographiques ? Chez un collectionneur peut-être, qui d’un seul regard cartographie tous les mondes, connus ou inconnus.

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Valise et miroir, et autres objets

Christian Globensky, Miroir poignées convexe, 2011 et Valise-paradis, 2004.

L’exposition “Lost Kiss” dédiée au travail de Christian Globensky, à l’Atelier des Vertus, se termine bien qu’il soit encore temps de s’y rendre. On y découvre des œuvres aux formes les plus diverses, allant du textuel aux images, du filmique aux objets. L’artiste, il y a de cela quelques années, a sollicité un programmeur afin de développer le générateur de texte dont il allait se saisir pour faire thèse. Quant aux phrases ou formules résultant de telles computations, il les archiva sans véritablement savoir si elles feraient œuvre un jour. Mais voilà qu’elles resurgissent au hasard de son travail, prenant sens du simple fait de leur exploitation artistique. Ce sont de telles “adages” que la valise verte nous délivre. Elle s’intitule “Valise-paradis” et a tout les attraits d’une valise si ce n’est qu’elle s’exprime quand on la manipule, uniquement quand on la manipule pour la porter d’un point à un autre. Sa couleur verte, sa transparence, les composants électroniques qu’elle recèle, la rendent toutefois des plus suspecte. Attention à celui qui oserait la déposer dans une gare, ou pire encore, dans un aéroport. Elle nous informe, dès lors qu’elle est portée, de la date et de l’heure de sa dernière prise en main avant de s’exprimer : « Qui voudrait encore monnayer son salut pour un mensonge métaphysique ? ». Ou quand l’absurde et le philosophique s’entremêlent entre code et langage ! Et puis il y a ce miroir dont les poignées semblent avoir servi à sa propre courbure. L’outil fait maintenant corps avec l’objet de sa déformation en témoignant, par la fusion, d’une tension passée. La valise reposée, n’est séparée du miroir que de quelques mètres. Et cette diversité, dans la proximité, révèle l’étendue des pratiques post-duchampienne dont jamais on ne se lassera.

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Des conversations qui font œuvre

Karine Lebrun, Tchatchhh, 2008.

Dans la littérature comme dans l’histoire de l’art, bien des pratiques sont associées à la conversation. De la Marquise de Sévigné dont on continue la publication des correspondances épistolaires à Andy Warhol qui a enregistré de multiples conversations sur le magnétophone qu’il présentait comme « My wife, Sony ». Force est de reconnaître qu’il y a des innovations comme le mail, les forums de discussion et les réseaux sociaux qui induisent l’archivage et la publication de nos échanges. Certains artistes, telle Karine Lebrun, se saisissent des possibilités offertes par les outils participatifs du Web. Celle-ci a ouvert un blog intitulé “Tchatchhh” en avril 2008. Le protocole visant à faire œuvre de conversations est précis comme c’est le cas généralement et en art aussi. C’est Karine qui choisit les personnes avec qui elle va converser, mais ce sont ces derniers qui ont le loisir de commencer et de conclure après avoir déterminé la durée, une composante essentielle qui sculpte les échanges. Gwenola Wagon, au début, nous montre la vidéo d’un Data Center dont on de la peine à imaginer la quantité des flux de données en phase d’archivage. Julie Morel termine la conversation par d’autres séquences qui ont disparu du réseau depuis. Car tous les serveurs du monde entier participent à cette masse de contenus sans formes ni limites parce que sans cesse renouvelés. Quand se perdre sur Tchatchhh.com, c’est prendre le temps d’une respiration, d’une lecture, au travers d’échanges passés que l’artiste magnifie par l’archivage et la publication.

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Territoires et protections

Ce vendredi marque le premier anniversaire de la révolte contre l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Aucun programme officiel n’a été prévu, mais des célébrations spontanées ont lieu à divers endroits du pays.

Qui n’est jamais resté en plan face à un agrégateur de contenus analogiques ou kiosque à journaux ? Ne sachant où porter son regard tant les titres se ressemblent, au gré des campagnes présidentielles et autres événements internationaux ! C’est le sentiment qui progressivement nous envahit lorsque nous naviguons au-dessus du site Imaginary Landscape de Sylvie Ungauer. Son interprétation contemporaine du kiosque à journaux est à la mesure du monde. D’un monde qui sans cesse se rétrécit, de Google Earth à Google Map. En quête d’informations, on survole la terre allant d’une actualité à son territoire. Au-dessus du Moyen Orient, on pense aux Shadow Sites de Jananne Al-Ani, tout en ignorant ce que sont les traces au sol qui défilent sous nos yeux. C’est en réaction à une actualité soudanaise que Sylvie Ungauer a commencé à designer des bunkers pour coiffer des femmes. Habituée aux fortifications du mur de l’Atlantique puisque vivant à Brest, elle compare les blocs de béton armés conçus par Albert Speer au niqab que portent les femmes dans quelques pays du Moyen Orient. Y voyant, dans les deux cas, un moyen de se protéger comme de résister. Sur son blog, on découvre les étapes de fabrication de ses étranges chapeaux forteresses pour dame. Les ossatures, en fil de fer, sont semblables aux multiples représentations du couvre chef préféré de Paulo Uccello, le Mazzocchio. Et quant au feutre qui les recouvre, c’est celui-là même qui, dit-on, sauva un jeune pilote de la Luftwaffe nommé Joseph Beuys !

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Tour du monde des archivages

Gwenola Wagon, Globodrome, 2009-2011.

Il est 20h45, le 21 décembre 1872, quand Phileas Fogg et Jean Passepartout entament un tour du monde qui ne devrait pas dépasser 80 jours. On imagine aisément Jules Verne, auteur de ce voyage extraordinaire, entouré de cartes géographiques, d’images en tout genre et de revues scientifiques entre autres ouvrages. Gwenola Wagon, quant à elle, est entourée d’écrans lorsqu’elle entreprend, en 2009, de refaire ce même voyage au-dessus du “Globe Virtuel” de Google Earth. Elle active alors l’affichage de toutes les métadonnées que propose le service en ligne, errant ainsi d’une photographie déposée par un internaute sur Panoramio à une vidéo disponible sur Youtube. Passant alternativement de l’application Earth à celle de Street View, elle se perd sur Wikipedia lorsqu’elle y est invitée. Partie de Londres, sans quitter ses écrans, elle y retournera quand le voyage se terminera. Mais l’artiste, au fil du temps, documente son voyage sur les traces de Jules Vernes au travers de médias déposés par autant d’inconnus via le blog qu’elle nomme ”Globodrome”. Ainsi, nous pouvons suivre son périple en ligne, enfin jusqu’à Chicagoland, car la fin du voyage n’est disponible que sur papier via le service de print on demand LuLu. Après quelques clics, ou quelques pages, le voyage prend forme et il ne fait plus aucun doute : Gwenola y a été, de quelque manière que ce soit, tout comme Phileas Fogg s’est déplacé en usant de multiples moyens de transport. Mais combien de tours du Monde virtuels a-t-elle effectués, si l’on considère les trajets parcourus par toutes les métadonnées consultées depuis leurs serveurs respectifs, et à quelle vitesse ?

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Une œuvre non intentionnelle


Reynald Drouhin, IP Monochrome (détail), 2006.

La place du spectateur, quant à l’œuvre, n’a cessé d’évoluer au fil des siècles. Et les technologies du numérique, récemment, ont accéléré le processus. Les pratiques se font de plus en plus collectives et les expériences résolument participatives. Les créations qu’Aram Bartholl documentés sur son site ont été réalisées durant des workshops, alors que le titre du dernier catalogue de Lawrence Malstaf est des plus explicite : « Exhibiting the visitor » ! Mais qu’en est-il de ces œuvres que l’on participerait à concevoir non intentionnellement. ”IP Monochrome”, de Reynald Drouhin, compte parmi celles-ci car se rendre à l’url incident.net/works/ipm revient à créer l’aplat de couleur qui correspond à son adresse IP, sans même s’en apercevoir. Et le dispositif est massivement collaboratif puisqu’il a, depuis 2006, accumulé plus d’un million six cent mille monochromes. Les pastilles colorées, qui témoignent d’autant d’expériences et sont assemblées en d’innombrables nuanciers se succédant, portent les adresses de leurs auteurs, ou de leurs machines. Nous collectionnons ainsi nos monochromes virtuels, à défaut de posséder des peintures d’Yves Klein. Et leur assemblage, en matrice, n’est pas sans évoquer un autre artiste de la couleur pure : Gerhard Richter. Toutefois, force est de reconnaître que ce sont nos machines, se connectant entre elles selon d’obscures protocoles, qui décident des teintes, saturations et luminosités de nos participations, sans même nous solliciter, car elles s’attribuent elles-mêmes les adresses témoignant de nos positions sur la toile, dans le virtuel.

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